Meuniers de Yèvres (Eure-et-Loir), sur la rivière l’Ozanne
Contexte historique
A la fin du 18ème siècle, après la révolution, le petit monde de la meunerie va rapidement se transformer, avec la fin des banalités (privilèges accordés aux seigneurs, seuls autorisés à détenir des installations techniques tels que fours, moulins ou pressoirs, et qu’ils mettaient à disposition des habitants en fixant leurs prix).
Abolition des privilèges oblige, tout entrepreneur devient libre d’user de telles installations. La grande époque des moulins est lancée !
Cliquer pour voir la branche de mes ascendants dont je vais parler ci-après.
Cet ancêtre, devenu meunier
Jacques JACQUET, né à Mézières-au-Perche (28), au sud-ouest de Chartres, en 1768, est fils de laboureur. Et petit-fils de laboureur. Et arrière-petit-fils de laboureur… Mais, bien que laboureur lui-même au début de sa vie d’adulte, il semble qu’il ait eu envie de changer de voie. Encore laboureur en 1806, il apparaît brièvement, en 1808, qu’il s’essayât au métier de cabaretier (les cabarets de cette époque étaient des lieux de convivialité et d’échange, où l’on servait du vin au détail, et parfois aussi à manger). Mais c’est à partir de 1810 que commence l’activité qu’il exercera 22 ans durant, jusqu’à sa mort en 1832 : Meunier au moulin de Saint-Chaise, à Yèvres. Il s’agit d’un moulin à eau, propulsé par l’Ozanne, et certainement « faisant de blé farine ».
Jacques se marie le 22 novembre 1801 à Saint-Avit-les-Guespières (28) avec Marie Madeleine Césaire AUBERT. De leur union naîtra 9 enfants (4 garçons et 5 filles) entre 1803 et 1818. On peut penser que toute la famille jouait un rôle dans l’activité du moulin (transport des marchandises, commerce…) même si je manque un peu d’informations leur concernant, j’en sais un peu plus sur la génération suivante, notamment sur le fait d’habiter au moulin.
Une affaire familiale
C’est leur deuxième enfant (et premier fils), Jacques Augustin JACQUET né en 1804, qui reprendra le flambeau au moulin de Saint-Chaise. Il est, lui aussi, mon ancêtre direct. Le recensement de population de 1836 (première année disponible en ligne) indique qu’il vit au moulin avec sa femme Marie Françoise DURAND, et leurs 3 enfants. Marie Françoise semble être elle aussi meunière pendant cette période, tandis que leurs enfants sont encore trop jeunes pour jouer un rôle au moulin (au moment de ce recensement : 4 ans, 2 ans et 1 mois et demi).
Toute la petite famille déménagera ensuite à Gohory, puis au lieu-dit Bois-Mouchet de Yèvres. Jacques Augustin continuera néanmoins d’être meunier au moulin de Saint-Chaise, au moins jusqu’en 1841. Toujours meunier en 1861, rien n’indique qu’il le soit encore au moulin de Saint-Chaise (habité par la famille d’un autre meunier). Il finit sa vie « propriétaire », signifiant peut-être cultivateur de sa propriété, au lieu-dit Bois-Mouchet de Yèvres, et décède en 1876.
Marie Françoise DURAND et Jacques Augustin JACQUET ont eu 7 enfants.
Jean Pierre JACQUET, un des frères de Jacques Augustin, né en 1810, sera également meunier, mais plus probablement dans un moulin de Saint-Avit-les-Guespières, non loin de Yèvres.
Le rôle des femmes de meunier
Comme évoqué plus haut, toute la famille pouvait parfois être impliquée dans les activités du moulin, et notamment les épouses. Mais dans ce patriarcat où tous les actes nous informent beaucoup sur le « chef de famille » (et systématiquement sur sa profession), les femmes sont malheureusement bien trop effacées dans l’ombre de leurs époux pour pouvoir obtenir autant d’informations sur elles. Mais on imagine aisément leur rôle tout aussi important dans cette profession, dans la rudesse de la vie à la campagne.
La fin d’une ère
Les bouleversements liés à la révolution industrielle n’épargneront pas les meuniers de tout horizon. L’arrivée des chemins de fer (gare de Chartres créée en 1849), l’évolution des technologies, l’automatisation de tâches pénibles, sont autant de facteurs qui vont opérer la transition d’une société à dominante agraire et artisanale, vers une société commerciale et industrielle.
Les moulins se modernisent, améliorant leur rendement, et le commerce s’étend à de plus grands territoires, signant rapidement la fin des plus petites exploitations. Le moulin de Saint-Chaise restera tout de même en activité jusqu’à la Grande Guerre, habité par un meunier et sa famille. A partir du recensement de 1921, il sera désormais fait mention de la « Ferme de Saint-Chaise » (habité par une famille de cultivateurs), et non plus du moulin.
Quelques infos, en bref
- Le nom de « Saint-Chaise » ne fait pas référence à un Saint ! A l’origine « Quinque-Casae » (vers 1050), signifiant « Cinq Maisons » en latin, il évoluera en « Cinq-Chezes » au 12è siecle. Puis on constate une alternance de « Cinq-Chaises » et « Saint-Chaise » dans les actes courant 1800.
- Augustin Louis JACQUET (1850-1928), mon ancêtre, fils de Jacques Augustin, sera Instituteur public.
- Jacques Grégoire JACQUET (1838-1885), frère du précédent, deviendra meunier quelques années avant sa mort, peut-être juste après le décès de leur père en 1876.
- Une recherche plus poussée dans les actes notariés (disponibles aux archives d’Eure-et-Loir) permettrait peut-être de savoir s’ils ont été propriétaires du moulin puis bailleur, ou en bail eux même, la valeur du moulin, etc.
- La bâtisse du moulin de Saint-Chaise existe toujours et est habitée.
- Actes de Naissance, Mariage, Décès – Archives en ligne d’Eure-et-Loir
- Recensements de 1836 à 1926 de la commune de Yèvres – Archives en ligne d’Eure-et-Loir (Voir mon indexation et transcription des recensements en question)
- Journal de Chartres – Archives en ligne d’Eure-et-Loir
- Livre « Statistique Archéologique d’Eure-et-Loir Tome 1 » (1864) – Disponible sur google books
- Livre « Supplément au bulletin des lois » (1824) pages 312 à 314 : Ordonnance sur le curage de la rivière d’Ozanne – Bibliothèque Nationale de France
- Wikipédia